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Steve Guerdat

Deux cas à part Steve Guerdat et Jalisca

vendredi 22 août 2008
Steve Guerdat et la belle
Jalisca Solier
 
Ph: Keystone
A vingt-six ans, Steve Guerdat a déjà dix ans de carrière internationale, six grands championnats et trois médailles à son palmarès depuis qu’il titille l’élite. Aujourd’hui, le Suisse a trouvé des mécènes, des cracks, comme la belle Jalisco solier, son atout pour Hongkong, et une certaine sérénité.
Portrait et interview d’un cavalier discret, à cheval comme à pied, mais qui ne mâche pas ses mots.

Steve Guerdat, aujourd’hui, au seuil de sa seconde Olympiade, après deux championnats d’Europe et trois finales de Coupe du monde, n’a jamais aimé que l’on insiste sur la précocité de son talent : « Je suis cavalier, voilà tout », martelait-il déjà à vingt ans.
Cavalier, tel est son destin et tel était son rêve. Pas forcément cavalier olympique comme papa. Et comme Philippe Guerdat roulait alors encore sa bosse aux quatre coins du globe, il confia ses deux fils, Yannick et Steve, au prof du coin, Roger Bourquard, dit « le Blanc », une figure attachante des concours du Jura suisse. Le maître de manège de Glovelier leur donna de bonnes bases. « C’était très simple, ça sentait le fumier, mais il y avait un bel esprit, une ambiance formidable. A la maison, c’était sérieux, très pro, tandis que là c’était la joie. » Nos deux Guerdat Jr comprirent que sans efforts et sans passion il ne servait à rien de vouloir faire comme papa : « Pour nous, c’était un héros, même si j’étais trop petit pendant Los Angeles. Je me souviens de Séoul, car on a eu le droit de mettre la télé dans la chambre et de regarder la nuit, avec ma mère et mon frère. Mais à dix ans, je préférais encore le foot. C’est à onze ans que le déclic a eu lieu. Je tombais souvent, on avait de vieux chevaux d’école pas très doués pour le saut, et j’avais peur de mal faire, mais les premiers concours m’ont donné confiance ».

Steve avait le virus, et un talent qui sautait aux yeux, Yannick, l’aîné de quatorze mois. Ce dernier comprit que sa voie était autre. Aujourd’hui, à vingt-sept ans, il est un webmaster reconnu au-delà des frontières (il a conçu le site du World Economic Forum, de l’European University, d’Handicap International, etc.) et dirige Artionet, une société de dix-sept salariés.

A treize ans, Steve
champion romand junior
 avec Lampire, l'ex crack
de Candrian 
 
Ph.A.P.
Lampire, le cadeau inattendu

Présent attentif, mais toujours en route, Philippe Guerdat laissa ses fils trouver leur propre voie, sachant aussi que Christiane, leur maman, leur donnait beaucoup d’amour et de vraies valeurs. Il surveillait bien sûr les progrès et se chargeait de leur trouver des chevaux. C’est ainsi qu’Arthur Schmid, le  plus  grand mécène du saut suisse, décida de confier Lampire (Danseur II) à Steve. Le cheval avait seize ans. Sept ans plus tôt, en 1986, il avait disputé les Mondiaux, avec Bruno Candrian. A onze ans et demi, Steve montait donc un (ex) crack : « ça a été un déclic fantastique, ça m’a aussi appris à être reconnaissant envers mes propriétaires. J’envoyais à M. Schmid des nouvelles, des dessins, des poèmes. Mes parents m’ont inculqué la politesse ».

Mais le plus beau cadeau, le plus grand sacrifice, c’est Philippe Guerdat lui-même qui le fit, en arrêtant sa propre carrière, en hiver 1996, à mois de quarante-quatre ans. Le  Jurassien était encore parmi les meilleurs, mais il comprit que son fils ferait très vite partie de l’élite et que jamais ils n’auraient les moyens de dédoubler l’écurie, et décida alors de ne plus monter du tout en concours : « J’étais choqué que mon père prenne une décision aussi abrupte, déçu de ne pas pouvoir faire de beaux concours avec lui. Sur le moment, je ne comprenais pas vraiment ce que cela signifiait, la générosité de son acte, j’étais jeune ». On vit donc Philippe Guerdat entraîneur de son fils et, parallèlement, chef des équipes suisses Juniors et Jeunes Cav., puis des Espagnols, et enfin des Ukrainiens. Il envoya aussi tout un été son fils chez Beat Mändli : « C’était le dernier test pour voir si je supportais de travailler dur et pouvais en faire mon métier », souligne Steve, qui avait déjà tiré un demi-trait sur ses études. Même s’il continua jusqu’à dix-sept ans : « Je n’étais pas mauvais, mais c’était un calvaire ». son père dénicha alors Cayetano, « qui semblait doué pour un cheval voué à la boucherie ou presque : Dubbeldam n’en avait pas fait façon et Melliger s’était découragé aussi : Lors de mon premier concours à Schaffhouse, j’étais collé vers la sortie, mais on a réglé ses problèmes de rivière avec l’aide de Lesley et de Beat, et je n’ai plus jamais eu de soucis. « Steve gravit les marches du podium : médaillé européen à quinze ans, puis à dix-sept, champion de suisse juniors à seize ans. Willi Melliger (Calvaro 005) et lesley McNaught restaient au pied du podium : « Willi a été le premier à venir me féliciter. Il a toujours été très sympa avec moi, m’invitait toujours au CSI de Neuendorf ». Sa première Coupe des nations, Steve la gagna à Zagreb, en 1999 avec Mecano, double sans-faute, mais l’équipe fut disqualifiée : il avait dix-sept ans et un Autrichien avait déposé réclamation.

Trésor, 3e de la finale
de la coupe du monde 
Rolex FEI 2007
à Las Vegas et 7e
cette année à Göteborg
a encore brillé
 à Aix-la-chapelle 3e et 9e des GP
 
ph.Scoopdyga
Le coup de fil de Tops

Bien vite l’écurie de Bassecourt, malgré tous les efforts de la famille et de quelques mécènes romands, le discret Godi Aeschbacher en tête, de vint insuffisante pour franchir un nouveau palier.rès une parenthèse en France, il n’hésita pas longtemps après le coup de fil de Jan Tops, fin septembre 2002. « c’était le coup de pouce du destin. Je pouvais remplacer un as comme Rolf Göran (Bengtsson), c’était incroyable. Jan tops m’a tout de suite fait confiance et Rolf a été magnifique durant son dernier mois là-bas. Il m’a aidé à travailler, à mieux connaître les chevaux. Je lui suis très reconnaissant. » L’aventure au sein de la plus grande écurie de commerce mondiale se prolongea deux ans et demi. Ce fut dur, mais lui permit aussi d’apprendre, de voyager et de monter des cracks. Rarement longtemps, puisque toujours à vendre. Cinq concours seulement avec Tepic La silla, d’Alfonso Romo, avec lequel tout de même il gagna plusieurs Grands Prix (Metz, Neuendorf) et brilla aux championnats d’Europe 2003, à Donaueschingen – bronze en équipe et meilleure performance individuelle (6e). Cinq concours aussi avec Pialotta (les débuts eurent lieu à Bercy, en mars 2004). La 6e place à la finale de la Coupe du monde 2005 à Las Vegas, la 7e aux Européens de San Patrignano (médaille d’argent pour la suisse). Une demi-saison avec Olympic, sa 8 ans des JO d’Athènes.
Il était, en revanche, convenu que Steve garde Tijl Van Het Palieterland. Avec KWPN, qui promettait déjà avec Christophe Barbeau mais ne sautait pas les rivières, il s’adjugea le Grand prix de Cannes 2005 et la Coupe des nations de Rotterdam, fur 5e du GP d’Aix-la-Chapelle, et pressenti pour les Mondiaux 2006. Steve était désormais no12 mondial. C’est alors, début 2006, que Jan Tops décida de vendre son crack à Doda de Miranda Neto. Steve se sentit trahi et en tira les conséquences : « J’avais fait ce cheval de A à Z et on m’avait caché cette vente. Je m’étais beaucoup attaché à lui. Cela a été le déclencheur, on avait des intérêts et une vision de la vie différents. Et je pensais pouvoir pratiquer mon sport avec des gens partageant ma mentalité ».
 
Steve quitta Valkenswaard. Il était sans cheval, tout était à refaire. Alexander Onyschenko lui proposa de lui prêter immédiatement des chevaux, mais au sortir du Sunshine Tour, lui demanda avec insistance de changer de passeport. Malgré les pressions, la possibilité d’avoir des cracks et une jolie somme sur son compte bancaire, le jeune Suisse ne céda pas à la tentation. « Ludger (Beerbaum) fut alors le seul cavalier à me mettre en garde. J’ai beaucoup apprécié son attitude courageuse ; c’est quelqu’un que je respecte. J’ai fait un mois avec Onyshchenko, il y avait Gregory (Wathelet), mon père, mais je savais que ça ne durerait pas. J’étais inscrit à la Baule, et je devais signer mon changement de passeport avant Aix-la-Chapelle. J’ai donc préféré dire stop.»

S’ensuivit une traversée du désert, avec heureusement une oasis, à Chiètres, chez les Notz, quelques vrais amis et une solution de fortune trouvée par son père, Trésor (Papillon Rouge) : « Faire ces concours nationaux n’avait rien de déplaisant, mais c’était dur de tirer un trait sur le passé.» Fin juin 2006, lors du CSI de Monte-Carlo, Philippe Guerdat se tourna vers Yves G.Piaget, un ami de longue date. Le mécène providentiel était trouvé : « Il n’y a pas de mot pour dire ma reconnaissance à M. Piaget. Je peux le placer juste à côté de ma famille. Ce qu’il fait pour moi est extraordinaire ; ça vient du cœur et c’est fait avec intelligence, pour bâtir quelque chose de solide. Me permettre de faire  ce que je veux, de devenir ce que je rêve d’être »

Yves  G. Piaget, mécène passionné

Steve Guerdat à la Baule,
avec Yves G.Piaget,
son mécène principal, et la
compagne de celui-ci,
Isabella Campisi 
 
Ph: F.Mösching

« Quand Philippe Guerdat m’a contacté et que j’ai eu la chance de rencontrer Steve, en juillet 2006, je n’ai pas hésité longtemps, je lui ai promis d’acheter un cheval. Et bien vite, il y en a eu deux, pui trois, puis quatre », précise en souriant Yves G.Piaget, qui ne sait plus très bien s’il en a six ou sept aujourd’hui. « Steve le mérite. Il est sérieux, c’est un bosseur, il s’occupe seul de tout l’administratif, j’aimerais qu’il se décharge un peu. » et d’ajouter : « il aime les chevaux, ce n’est pas un pilote, mais un homme de cheval. Il a déjà réussi à retrouver sa place au sein de l’équipe suisse et dans le top 20 mondial, c’est magnifique. Notre collaboration est basée sur la confiance, on se téléphone tous les jours ou presque. Je veux avant tout savoir comment il va, les résultats viennent après. Je le considère à la fois comme un filleul et un partenaire avec lequel j’ai un but commun : sa réussite ».

« C’est le couronnement de tout ce que j’ai fait pour le sport équestre et en même temps la plus belle des récompenses », résume Yves G. Piaget, qui a toujours aimé les chevaux. « Je suis né à la Cote-aux-Fées. Mon père, qui fut aussi mon patron, était strict, mais il m’a appris l’authenticité. Je me suis mis à cheval dès la fin de mes études et à vingt-six ans je m’offrais mon premier cheval. » commence alors une longue carrière de compétition de haut niveau, « mais par procuration, comme chauffeur et palefrenier ».
Entre-temps, Yves G. Piaget est devenu patron, et a été vice-président puis président du CSI-W de Genève, vice président de la Fédération suisse des  sports équestres, cofondateurs des finales d’élevage Promotion CH (basées sur le modèle de Fontainebleau et mécène de l’institut équestre national d’Avenches. Aujourd’hui, il se concentre sur la carrière de Steve, qu’il suit parfois. « Je ne cherche aucune publicité, je fais cela par passion et sens du devoir : c’est une façon d’honorer ma responsabilité envers les autres et la jeunesse », précise-t-il. Avec Isabella Campisi, sa compagne, il était toutefois présent à Las Vegas, pour la belle 3e place de son poulain. Et à Hongkong ? « Je serai là. Je sais qu’il y aura des extraterrestres xomme Shutterfly, Okidoki ou Lantinus ; Jalisca n’est pas une machine à sauter mais la classe du cavalier jouera, le sentiment aussi. Vu les problèmes de voyage et de climat, rien n’est impossible. On verra et , après Hongkong, il y aura Londres, La route est longue. »

Jalisca Solier
 
Ph: Keystone
Le tournant fut aussi l’arrivée de Jalisca Solier. Gian Battista Lutta, marchand suisse souvent en affaires avec Tops et Bourdy, décida de lui prêter la jument pour un concours à Schaffhausen. Steve y gagna le Grand Prix. Sur sa surdouée, il est intarissable : « elle a toutes les qualités, la force, le respect, le courage et la vitesse. Son galop est parfois un peu difficile à gérer, car elle a du mal à se rassembler, mais c’est un vrai crack, une personnalité, attachante et si gentille. »Née en Normandie, chez Christophe Miller, cette fille D’alligator fontaine et de Dune Solier (par Jalisca B) n’avait presque pas sauté avant six ans ni disputé les finales pour jeunes chevaux. En revanche, en 2004, elle sera 3e du championnat de France des Cavalières, sous la selle de Pénélope Leprévost, qui la trouvait « très haute sur les barres, mais délicate dans son contrôle ». Jalisca sera alors acheté par Bourdy et Tops, puis revendue à Virginie Couperie-Clerc. « La jument était forte pour moi, j’avais des problèmes de contrôle, mais elle a un mental et des moyens fantastiques », dira la Bordelaise. Jalisca partit alors pour la Suisse, chez Lutta, en juin 2006. La rencontre avec Steve se fera deux mois plus tard.

Des installations de rêve
 
Au Rütihof, à 10 mn
 de Zurich, Steve Guerdat
a des installations magnifiques
 
Ph.AP
La  suite, on la connaît et, pour Yves G.Piaget, la plus belle des récompenses tomba plus vite que prévu. Steve et Jalisca Solier triomphaient à Genève, dans leur jardin en décembre 2006, remportant là leur premier Grand Prix Coupe du monde. Puis un deuxième, à Vigo, dans la foulée : « Genève fut un bonheur incomparable. Cela reste non seulement une émotion sportive, mais personnelle, privée, souligne le cavalier. Durant une année, j’étais passé par tous les états, cela avait été une véritable galère. J’ai énormément  souffert, et ce n’est que grâce à mes proches, à ma famille que j’ai pu remonter la pente ».
Steve Guerdat avait donc (re) trouvé un propriétaire, des cracks et sa place dans la hiérarchie mondiale. Et, un bonheur ne venant jamais seul, grâce à Werner Oberholzer, il fit la connaissance d’un second mécène en la personne d’Urs Schwarzenbach, homme d’affaires, propriétaire d’hôtels (le dolder à Zurich, la Suvretta à St Moritz). En 2001, ce patron d’une équipe de polo avait racheté les installations du Rütihof, à Herrliberg, et rénové le tout. Or comme il vit surtout en Angleterre, il confia les infrastructures à Steve.
 
Il dispose d'un bon staff
dirigé par Heidi Mulari
Ph. Angelika Nido
Le manège 62 X 22m) avait déjà été agrandi, un beau marcheur en bois et de nouvelles écuries cinq étoiles, avec des  boxes spacieux, avaient été bâties. Le sol (du sable synthétique), identique dehors et dans le manège, est excellent, mais Steve travaille aussi sur l’herbe et franchit volontiers tronc ou gué, ou part pour des balades sur des chemins aménagés. « C’est idéal, fonctionnel, aéré, tout a été conçu pour le bien-être du cheval. Et je bénéficie d’un contrat de sponsoring », souligne-t-il en faisant visiter ses  installations. Des écuries nichées au pied du Lac de Zurich. Au Rütihof comme en concours, Steve est aidé de Heidi Mulari, sa fidèle groom finlandaise, qui l’a suivi après son départ de Valkenswaard, et de Terhi, une autre groom venue du Nord. Chef d’écurie, groom de concours et chauffeur, Heidi sait tout faire. Depuis six mois, Steve est aussi aidé par Claudio Weber, un bernois de vingt-deux ans qui monte surtout les jeunes chevaux. Onze chevaux sont pour l’heure dans son camp zurichois.

Il y a bien sûr eu des soucis, comme les deux opérations pour coliques de Jalisca Solier, au printemps 2007 : « J’ai passé quelques nuits blanches, mais Jalisca a une force de caractère incroyable. Vingt minutes après la première narcose, elle était debout, quarante minutes après la seconde aussi. Elle est fabuleuse. A la clinique, ils en étaient tous amoureux », Et d’ajouter : Sa grande qualité, c’est son immense volonté ; c’est une guerrière. Elle doit avoir envie de faire ce qu’on lui demande, il faut l’amadouer, la calmer, la rassurer.» En l’absence de Jalisca, Steve prenait tout de même la 3e place de la finale de la Coupe du monde Rolex FEI 2007 à Las Vegas, avec Trésor. Jalisca commença 2008 par une 2e place dans le GP coupe du monde de Bordeaux. Elle fut ensuite brillante à Doha (3e), à Hambourg (6e) et  La Baule. Ferrari , 2e du Masters de Zurich, Trésor, 7e de la finale de Göteborg et 3e du GP d’Europe à Aix, Kador du Valon et les autres lui permettent ainsi de figurer au 20e rang des Rolex Rankings.

Jalisca Solier au
CSIO de suisse 2008
à Saint-Gall
la reine des écuries
 
Ph. E. Gowgill
L’objectif, une médaille

Fin mai, Markus Fuchs et Adolfo Juri ont confié La Toya III. L’expérience n’aura finalement duré que le temps de deux CSI (4e à Rotterdam), mais montre à quel point le Jurassien a la cote. Lui s’entend bien avec ses équipiers, particuluèrement avec Daniel Etter, Christina Liebherr, mais a surtout des amis cavaliers à l’étranger, Gregory Wathelet, Robert et William Whitaker, Julien Epaillard. Il donne aussi de son temps à la fondation Little Dreams, dont il est parrain aux côtés de Malin Baryard-Johnsson, Rodrigo Pessoa et Michel Robert.

Maintenant place aux jeux : « On a une chance par équipes, autant que les Allemands, ou les Hollandais. Individuellement, c’est plus aléatoire. Nous avons trois couples médaillables, mais aux Jeux, où tout se joue sur un jour et souvent sur des parcours très spéciaux, éprouvants et longs, ce que je réprouve, les candidats sont plus nombreux et les surprises fréquentes ».
 
Alban Poudret
 

Un Suisse pas si lisse

photo: l'agile Ferrari
en qui il croit beaucoup
A seize ans, il gagnait en CSI(O). Cinq ans plus tard, il était devenu un des piliers de l’équipe de suisse, contribuant pour une large part à la médaille de bronze aux Européens et frôlant l’exploit en individuel. Le Steve Guerdat, autrefois qualifié « de grand espoir » était devenu un phénomène. D’aucuns voyaient même en lui un « possible futur Federer de l’équitation ».
D’autres auraient attrapé la grosse tête, pas lui : « Ce genre de compliment, ça entre par une oreille et ça sort par l’autre. Pour moi, l’essentiel est de faire ce que j’aime en donnant le meilleur de moi-même, pour moi et mon entourage, sans me préoccuper des autres et de ce qu’ils pensent ». en cela aussi, Steve Guerdat est différent : il dit ce qu’il pense et il pense ce qu’il dit. Sans se soucier de l’effet qu’il en ferra, sans tricherie, sans manipulation, ou faux-semblant. Et peu lui importe finalement, qu’on lui reproche de ne pas chercher le contact, de se montrer peu avenant : « Je suis comme je suis, je n’ai nullement envie de jouer un rôle, de donner l’impression que j’aime tout le monde ni d’être aimé par tout le monde, car la réalité n’est pas comme ça. On a en fait très peu d’amis, de vrais amis, les seuls qui comptent. Et ceux-là, j’y tiens. » On insiste « Mais vous avez parfois l’air triste… » La réponse fuse, convaincante, en dépit d’une impassibilité de stoïcien, par pudeur, par choix, parce que les épanchements, ce n’est pas son truc : « ah bon ? Je ne le suis absolument pas. Je suis même le plus heureux des hommes. Je fais ce que j’ai toujours voulu faire et je remercie chaque jour le ciel de ce que je considère comme une immense chance et un incomparable bonheur ». alors, croyant, Steve Guerdat ? « Oui bien sûr ; pas pratiquant, parce que l’église, ce n’est pas pour moi, mais croyant, c’est sûr, je prie chaque soir en reconnaissance de ce que j’ai et de ce que je vis. »
 
Les Coupes plus que l’argent
 
Fort d’une assurance et de certitudes qui n’ont rien de prétentieux, presque suspectes, mais somme toute compréhensibles pour quelqu’un de son âge, le Suisse sait où il est et où il va. Et rien ne peut le détourner de l’objectif qu’il s’est fixé : entrer dans le Top 10 mondial, « cette année peut-être, si tout va bien, mais sans le chercher à tout prix, car mes chevaux sont encore jeunes et Jalisca va sortir un peu moins en prévision des Jeux » jusqu’à devenir, un jour, le numéro un, « sans forcer, avec des chevaux qui restent sains ». Pour ce faire, juste besoin de « remettre chaque jour l’ouvrage sur le métier », avec l’opiniâtreté d’un stakhanoviste.  « La compétition, c’est ma vie, mon moteur. J’aime plus que tout cette part d’inconnu qui lui est inhérente, ce piment, cette boule au ventre qui vous tenaille à chaque épreuve, cette remise en question continuelle, tout le travail que cela suppose. Il n’y a pas que les sportifs qui travaillent dur, mais là où un avocat ou un homme d’affaires le font avec pour récompense de l’argent, moi, ma motivation et mon bonheur ce sont les coupes, les titres, les victoires, parce que là on touche au plus profond de notre être. J’ai d’ailleurs toujours dit que je préférais mourir avec beaucoup de médailles autour du cou que de l’argent sur mon compte en banque. » Seule la première place est bonne à prendre. Une ambition qui lui donne la motivation nécessaire au quotidien. Avec, toujours, ce goût de se dépasser, synonyme d’assouvissement et de satisfaction profonde, à vivre seul de préférence. « bien sûr, cela fait plaisir quand les gens vous apprécient et vous le signofient, mais les moments les plus intenses quand je gagne, c’est quand je suis seul, à l’écurie, dans mon camion ou dans ma chambre d’hôtel. Là, c’est indescriptible. »

Sans ces succès, forcément, la motivation s’émousse. Or, pour « être bon », il faut réunir un certain nombre d’ingrédients. « Il y a le travail l’ honnêteté, l’écoute et le respect des chevaux, des sponsors, des gens qui vous entourent, la bonne organisation de l’écurie, y compris des jeunes chevaux, car il est indispensable de regarder loin devant soi, de préparer l’avenir. Et puis il y a le calendrier à gérer. C’est compliqué, il ne faut pas charger le programme en voulant à tout prix se refaire après un concours où on a fait 4 points souvent de notre faute d’ailleurs, en ne perdant pas de vue que le cheval a dans ce cas-là fait autant d’efforts. Un cavalier doit gérer sa propre carrière et celle de ses chevaux. »

Etre bon, c’est aussi s’adapter à chaque cheval et le prendre pour ce qu’il est. Cela signifie par exemple donner sa chance autant à Trésor le bon élève qu’à Jalisca la super star. Pas toujours évident. L’un est « un guerrier doté d’une santé de fer et pouvant sauter toutes les semaines sans problème, mais n’ayant pas la mentalité d’un cheval de sport qui a envie de se battre tous les jours pour passer les obstacles sans fautes », ne tolère pas la plus petite des erreurs dans la gestion de l’entraînement, dans la pression mise en piste en fonction des échéances, dans la précision des abords. L’autre, « plus douée mais plus délicate », nécessite une plus grande attention dans le choix des concours, de leur fréquence, du terrain : «avec Trésor, ce n’est pas le même sport qu’avec Jalisca ». Mais si Jalisca le transporte dans les sensations les plus sublimes, monter Trésor, « j’adore ça, car réussir une performance avec lui est un challenge ».

Avec Kador du Valon, c’est encore autre chose. « Avec lui, qui s’est beaucoup arrêté avant que je l’aie et avec moi au début, c’est avant tout un problème de confiance : dès qu’il est inquiet, il se crispe, ne galope plus, saute mal. Mais quand je peux l’avoir relax sur tout un parcours, c’est un festival ! Il a un potentiel énorme, mais ça prend bien sûr du temps en raison de son passé compliqué.» Ses chevaux, le suisse les choisit toujours au feeling, hormis Trésor « que je ne voulais vraiment pas et que mon père a mis contre mon gré dans le camion. Pour tous les autres, mon sentiment seul comptait. Je ne demande pas de vidéo, car on ne peut être que déçu. Moi j’apprécie le cheval au premier regard, à la première impression. Puis j’organise le travail et sa carrière en fonction de chacun. Mon objectif est d’avoir le plus de bons chevaux possibles pour les Grands Prix ».
 
Jalisca Solier dans
la nature Ph R.Keller
Le naturel de John

L’équitation, pour lui, n’a rien d’une prise de tête. La vie non plus d’ailleurs. Rien de surprenant, donc, lorsqu’il affirme que son modèle est John Whitaker. Non pas pour sa monte, son sentiment ou la qualité de sa main, mais parce qu’avec lui, « c’est simple, ce n’est que du bonheur ça rend le sport facile ». D’une simplicité vraie, naïve et franche, qui touche à l’essentiel, comme chez notre homme, où tout est organisé, réglé, mais « sans complication, de manière banale. Bien sûr, j’admire les meilleurs, mais sans vouloir m’acharner autant qu’un Jos Lansink, qui teste toutes sortes d’embouchures, er sans me poser mille questions comme Michel Robert ».
 
 Lui, ne voit pas l’intérêt de chercher midi à quatorze heures et il a fait son choix : monter comme il le fait. Un point c’est tout. Entouré d’un staff, cavalier (« très difficile de trouver quelqu’un de bien qui accepte de rester dans l’ombre »), grooms, vétérinaire, maréchal-ferrant, dentiste, sellier (CWD), compétents. Et de Thomas Fuchs, tout de même appelé à la rescousse fin 2007, dans une période de doute. Une rencontre riche avec « quelqu’un de simple, respectueux des chevaux, un vrai homme de cheval, tout le contraire de ce que j’avais entendu dire sur lui ». Un regard extérieur non pas pour changer quoi que ce soit dans son équitation, mais juste histoire de le rassurer et de le conforter dans sa manière de faire. « Mes chevaux vont bien. Je sais ce qui leur convient. Ils sortent environ deux heures par jour, à deux ou trois reprises. Une fois travaillés par moi, principalement sur le plat, puis une autre fois à la longe automatique, pour une promenade en main ou une balade en forêt, et au parc une trentaine de minutes par jour trois fois par semaine à la belle saison. Il n’y a rien de bien compliqué dans tout ça. L’important est de toujours veiller au bienêtre physique et mental, car un cheval doit toujours garder cette indispensable envie de travailler.»
 
Pourquoi, aussi, s’inquiéter ou se laisser influencer par d’autresà propos de JO qu’on annonce extrêmement durs : « Il fera chaud, d’accord, et humide. On a fait des tests sur nous, en nous faisant courir dans la chaleur ; on a transpiré et à Hong-Kong on va transpirer, c’est sûr, et alors ? Ma jument est « fit », entraînée, prête et je ne vois pas en quoi ce serait utile que chacun y mette son grain de sel. Aucun bon cavalier avec un bon cheval n’a dit qu’il renoncerait aux Jeux ; ceux qui l’ont fait sont des trouillards qui ne veulent pas prendre leurs responsabilités, pas admettre qu’eux ou leur cheval ne sont pas au niveau. Et en disant renoncer par respect pour leur cheval, ils font du même coup passer les autres pour des gens qui ne le respect pas ».

Chez Jan Tops, Steve Guerdat, au départ plutôt gringalet, s’est étoffé musculairement : « Je suis devenu plus fort, plus présent avec mes chevaux. C’est un plus incontestable et cette force est parfois nécessaire pour les contrôler, pour qu’il vous respecte, notamment avec des chevaux qui ont une bouche sensible et que l’on ne peut monter avec des mors plus sévères. A l’image de Jalisca, qui, croyez-moi, quand elle part, elle part ! Avoir plus de force permet d’éviter de se battre. Il m’arrive d’utiliser des embouchures plus fortes à la maison, le but étant toujours de monter en filet simple en piste, parce que c’est comme cela que les chevaux sautent le mieux ». Pas d’enrênements, en revanche, « sauf quand je suis paresseux ! », mais des longs éperons à grosse molette, troqués systématiquement pour de plus petits en piste. « Je ne me départis jamais de mes éperons, parce que cela me permet d’avoir des chevaux réactifs aux jambes. L’intensité des jambes au travail dépend des chevaux. Mais même s’ils sont chauds, ils doivent accepter jambes et éperons. Prenez Jalisca, qui est chaude, elle a mis trois semaines à accepter les éperons, mais maintenant, je peux mettre fort les jambes en piste, comme il arrive que je doive le faire, pour une rivière par exemple. Au travail, j’attends de mes chevaux qu’ils aillent en avant à la moindre sollicitation des jambes et qu’ils reviennent à la moindre reprise. C’est l’essentiel du travail, excepté pour des chevaux qui, comme Ferrari, le font très bien naturellement et qui n’ont pas besoin d’être embêtés avec ça. Je saute une ou deux fois par semaine à la maison ». Quant à la main posée, elle entretient la décontraction de la bouche et de l’encolure, plutôt basse, la nuque cédée. On ose alors la question : « La polémique sur l’encapuchonnement, ça vous inspire quoi ? »La réponse ne se fait pas attendre : « c’est ridicule ! Il faut arrêter de dire que les chevaux d’Anky van Grunsven, la meilleur cavalière de dressage au monde, ou d’autres cavaliers de dressage et de saut sont traumatisés parce qu’on leur met la tête en bas. On ferait mieux d’aller voir ce qui se passe dans des concours  à un petit niveau, dans des Une ou Deux étoiles, dans des nationaux, où là, il y a de la méchanceté, des chevaux mal soignés, mal nourris, mal travaillés la semaine, pas prêts à faire ce qu’on leur demande. Bien sûr, il y a des extrêmes, des fous, des méchants, envers les chevaux comme envers les gens, mais que l’on ne nous dise pas qu’il est cruel de leur mettre la tête en bas

Incontestablement, Steve Guerdat a trouvé une manière qui lui convient et il insiste d’ailleurs sur la nécessité « d’avoir son système à soi, de faire les chevaux à sa manière. Prenez Ferrari, il était parfaitement dressé et éduqué par Michel (Robert), mais il ne convenait pas à mon système. Il m’a fallu près de deux mois de travail avant qu’il accepte mon style et ma philosophie et que je le monte en concours ». Même s’il a conscience d’avoir plein de choses à apprendre. Et il a soif d’observer les autres, de s’enrichir de ce qui pourrait lui être utile, « de tous ces petits détails qui font la différence » :
La jeunesse est peut-être un atout, avec sa part d’insouciance, d’amusement, de légèreté, de faim aussi, même si avoir trop faim n’est pas forcément un avantage. Mais l’équitation est avant tout un sport d’expérience et je n’arrive qu’aux genoux de cavaliers comme Ludger (Beerbaum) ou John (Whitaker) ; face à eux, je me sens encore comme un junior. Prenez mon barrage à Saint-Gall : j’ai été 5% dans le rouge et cette erreur d’appréciation m’a coûté la victoire. Or, avec une jument comme la mienne dans cette forme-là, je devais gagner. Bien entendu, cette erreur peut être commise par des bons cavaliers, mais pas par John ou Ludger. Et dans un moment comme celui-là, je mesure tout ce qui me sépare encore des meilleurs ».

On l’a dit, aujourd’hui, le suisse est un cavalier heureux. Heureux de ce bonheur dont il se souvient avoir goûté à ses tout débuts, « au contact de Roger Bourquard, avec qui j’ai découvert le plaisir de monter, d’être entouré de chevaux et de m’en occuper, boxes compris. La fin de mon séjour chez Tops et l’épisode Onyschenko, la nécessité de tout (re)construire, les difficiles moments de doute, la solitude, la dure réalité d’un aspect peu reluisant d’un monde d’adultes sans sentiment et sans rigolade à laquelle j’ai été confronté, ont transformé ma personnalité, m’ont ouvert les yeux sur la vie, les amis, la famille, le bonheur. J’ai alors compris à quel point tout cela comptait, qu’il est indispensable d’être un homme heureux pour être meilleur dans ce que l’on fait ».

La Baule, le bon exemple

Tout sauf complaisant, le suisse a le courage de ses opinions. Interrogé sur la déroute française et sur les solutions possibles, il ne mâche pas ses mots : « Ils doivent seulement changer de mentalité. Ils ont des cracks cavaliers et chevaux, des sponsors propriétaires prêts à investir beaucoup d’argent, bien plus que chez nous par exemple. Ils avaient Idéo (du Thot), Jalisca (Solier), et tant d’autres qu’ils ont laissé partir, préférant se plaindre, jouer aux victimes malchanceuses, plutôt que de reconnaître  que le problème est qu’ils n’ont pas envie de travailler suffisamment et de concourir à l’étranger ».
 
S’il estime qu’il faudrait être plus sévère dans la «préparation » (« les contrôles de guêtres sont actuellement plutôt faits pour se donner bonne conscience »), il est plus nuancé sur le dopage, car là, « il y a une certain nombre de paramètres que l’on ne maîtrise pas, l’assimilation et l’élimination de certains produits, la manière dont réagit chaque cheval, le fait que l’on puisse être victime de sabotage compte tenu d’écuries très faciles d’accès, la contamination par la mangeoire, par l’air qu’un cheval respire, est. Contrairement à tout ce qui touche aux méthodes de préparation, en matière de dopage, l’intention de tricher n’est pas toujours évidente ».
 
Pas d’accord, non plus, avec des épreuves devenues parfois de vrais parcours du combattant : « L’avenir du sport n’est pas dans des parcours hyper compliqués, hyper délicats, il faut rester normal. On aura ainsi un peu plus de sans-faute, certes, mais un sport plus propre. A La Baule, par exemple, le parcours du Pris des nations était sans grosses difficultés, sans gros oxers, et il n’y a eu que deux doubles sans-faute ; dans le Grand Prix, plutôt facile, ils étaient neuf sans-faute. C’est parfait, pour les chevaux, les cavaliers ou le spectacle, et on se demande bien pourquoi il faudrait voir toujours plus gros, plus délicat, plus sélectif, avec des barres qui tombent de plus en plus facilement. Pour moi, un Grand Prix où il n’y a que deux sans-faute est un Grand Prix raté. »

Pas d’accord, enfin, avec cette surenchère, cette course à l’argent que connaît le sport aujourd’hui. Bien sûr, il voit d’un bon œil ces nouveaux circuits hyperdotés, «car il n’y a que l’argent pour attirer l’argent et les médias », mais il estime surtout fondamental que « le sport soit encore mieux médiatisé afin de devenir plus populaire et de remplir les stades. Monter à Aix-la-Chapelle, Göteborg, Saint-Gall ou Genève, c’est extraordinaire et ce sont des exemples à suivre, car il y a du monde, de l’émotion, mais à Estoril, à Monaco ou Doha, au Qatar, où il y a certes beaucoup d’argent à gagner mais pas de public, on a vraiment l’impression de faire les guignols. Et je vais toujours choisir plutôt Stuttgart que Kuala Lumpur, même s’il y a moins d’argent à gagner et donc moins de points à prendre pour le classement mondial, car c’est ça le sport que j’aime faire. »
 
Sophie Kasser Deller
 
Source: L'éperon

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