texte: Thérèse Untersander
photo: top-news.ch |
Perché sur sa monture, Steve Guerdat (24 ans) a fière allure. Même s'il a troqué son chic costume pour une veste de sport et que la lumière naturelle qui filtre par le toit du manège de Chiètres a remplacé celle des projecteurs de Palexpo.
Une fois le pied à terre, on s'en approche doucement, comme on le ferait avec un cheval que l'on ne connaît pas, pour ne pas le brusquer ou l'effrayer. Sa frêle silhouette donne une impression de timidité. Il parle doucement, regarde souvent par terre.
Cette année 2006 l'a profondément blessé, l'a poussé dans une abîme profonde, dont il ressort grâce à sa famille, à ses amis et à sa jument adorée, «Jalisca». Sa victoire au CSI de Genève lui prouve qu'il a eu raison de serrer les dents.
Steve, qu'avez-vous fait depuis la remise des prix?
Tout d'abord, je suis allée féliciter «Jalisca» avec des carottes, des sucres et beaucoup de caresses. Ensuite, j'ai longuement répondu aux médias avant d'aller manger avec ma famille et mes amis.
Avec une petite coupe de champagne?
Même pas, je ne bois jamais de champagne. J'ai pris un tout petit whisky, mais j'étais mort. Sans-doute le contrecoup de l'émotion.
Des larmes qui ont ému la Suisse entière...
J'étais à nu et j'ai pleuré, oui. Je ne regrette pas mes larmes. On est comme ça, les Guerdat: nature. Elles ont commencé quand j'ai vu mon père, Philippe. C'est sur mes parents que j'ai pu m'appuyer durant ces épreuves difficiles.
Vos larmes nous ont rappelé celles de Roger Federer à Wimbledon, les aviez-vous vues?
Oh oui et je me souviens aussi d'avoir été très ému. Roger Federer, c'est le plus grand sportif de tous les temps.
Mais lui n'a pas connu autant de poisse que vous...
C'est vrai que je reviens de loin. (n.d.l.r.: Steve Guerdat travaillait pour Jan Tops qui a vendu son cheval favori, «Tijl», provoquant le départ du cavalier jurassien. Il a ensuite trouvé de l'embauche pour un richissime propriétaire ukrainien, mais a perdu son travail parce qu'il refusait de changer de nationalité.) Même après avoir «reçu» «Jalisca», tout n'était pas rose. Nous devions nous apprivoiser, procéder à plein de réglages. Peu avant le CSI de Paris début décembre, j'ai pensé devoir vendre «Jalisca» pour avoir un peu d'argent et faire un autre métier en rapport avec les chevaux. Mon père, ma groom finlandaise Heidi qui me suit depuis 3 ans et tout mon entourage m'ont dit que j'étais fou. Ils avaient sans doute raison... (rires)
Et maintenant, le bout du tunnel?
Oh, pas encore, mais j'ai fait un grand pas en avant. Si j'ai pleuré, c'est parce que je sais que c'est pour mon entourage que j'ai gagné. Ils m'ont prouvé qu'il y avait autre chose que les chevaux dans la vie!
Oui (sourire gêné) . Cela fait une année que j'ai rencontré Nicky, une cavalière américaine, qui a connu une année creuse comme moi. Heureusement, je crois qu'elle a trouvé un filon en Europe. Je vous rassure, on ne parle pas qu'hippisme et ma copine n'est pas du tout jalouse de la relation avec ma jument!
«Jalisca» est une vraie fille!»
Quand on demande à Steve Guerdat de parler de sa jument, on oublie immédiatement qu'il ne parle pas d'un être humain. Il s'enthousiasme, rigole et décrit avec précision chacune des mimiques de son cheval. Une jument mise à disposition par son ami de longue date, Yves G. Piaget, à la fin de l'été.
6h 45 Steve Guerdat se lève. «Je suis vite prêt. Pas besoin de passer des heures devant la glace avant de monter à cheval!»