«Je n'ai que les chevaux en tête»
Source: Coopération
Steve Guerdat (21 ans) est l'un des meilleurs cavaliers au monde. Il tentera de confirmer son classement, ce week-end, en Espagne.
Coopération. Peut-on murmurer à l'oreille des chevaux?
Steve Guerdat. Non, mais on peut les comprendre avec des gestes, des attitudes, un regard.
Votre définition du cheval?
C'est mon meilleur ami. Je passe mes journées entouré de chevaux. Ils sont comme ma famille. Je suis davantage avec eux qu'en compagnie d'êtres humains.
Les qualités pour être un bon cavalier?
La passion. C'est le plus important. Et beaucoup de travail. Un minimum de talent est également requis.
Quelle part de votre réussite attribuez-vous à la monture?
Difficile à dire, car nous ne faisons qu'un... Je dirais 50-50. Je pense qu'un cavalier moyen, avec une excellente monture, obtiendra de très bons résultats, mais pas les meilleurs.
L'influence sur vous de votre père Philippe, qui a participé aux Jeux olympiques avec l'équipe suisse d'équitation a-t-elle été grande?
Oui. J'ai toujours connu le monde équestre et la compétition grâce à lui. Il a en quelque sorte dirigé mon existence sans pour autant m'obliger à suivre une voie plutôt qu'une autre. Mon chemin était déjà tracé.
Quand avez-vous pris conscience de vos possibilités?
Dès mes débuts. On m'a toujours dit que j'avais beaucoup de talent. Etait-ce vrai ou pour me faire plaisir, je n'en sais rien... De toute façon, ces commentaires m'ont motivé à aller de l'avant.
Les grands cavaliers sont généralement au faîte de la gloire à 40-50 ans. N'êtes-vous pas devenu trop bon trop jeune?
Je ne crois pas. Chaque cavalier est différent. Personnellement, j'ai eu de la chance de pouvoir compter sur de bons chevaux, d'être bien entouré, par mon père surtout, qui a été la personne la plus importante dans ma carrière jusqu'à présent. Sans oublier le grand saut, en 2003, et la proposition de Jan Tops d'entraîner ses chevaux en Hollande. Un point prépondérant pour progresser parmi l'élite.
Vos principaux objectifs 2004?
Me qualifier, à titre individuel, pour les JO d'Athènes. Comme je ne dispose plus de ma meilleure monture, je dois tenter d'atteindre ce but avec de jeunes chevaux. Qui vont essayer de confirmer au plus haut niveau. Un beau défi.
Quel est votre programme quotidien en Hollande?
Je commence de monter à 7h jusqu'à 18h ou 18h30. Mon entraînement, c'est monter 10 heures par jour une douzaine de chevaux différents. Je m'astreins aussi à deux heures quotidiennes de fitness.
Quel genre de vie menez-vous?
Elle est assez mouvementée. Exemple: l'année dernière, sur 52 week-ends, j'en ai passé 47 en compétition dans le monde entier! Et lorsque l'on sait qu'un concours commence généralement le jeudi et se termine le dimanche... Sans oublier que nous partons déjà le mercredi soir et que nous rentrons le lundi matin seulement. Ça fait peu de temps à la maison. Et à peine arrivé, on entraîne déjà les chevaux pour la compétition suivante.
De l'extérieur, le monde équestre semble huppé. Cette image correspond-elle à la réalité?
Plusieurs de vos collègues avaient cette impression. Et lorsqu'ils m'ont suivi dans des manifestations comme les Championnats d'Europe, ils ont découvert un univers fascinant, amusant, avec des acteurs restés simples, qui se font plaisir. Dans cette atmosphère très agréable, les cavaliers sont de plus souvent accessibles.
Vous êtes Jurassien. Gardez-vous des contacts avec votre canton?
Très peu. Je ne m'attache pas facilement à un endroit. Ce n'est pas que je ne suis pas fier d'être Jurassien, mais ça ne m'occupe pas constamment l'esprit. Pour moi, ça ne fait pas de différence d'habiter le Jura ou la Hollande.
Votre regard sur la Suisse vue de l'étranger?
J'ai toujours été tellement pris par mon sport, y compris quand je vivais en Suisse, que je n'ai pas le recul suffisant pour exprimer une opinion à ce sujet. Je constate seulement que rien ne se passe dans le Jura. A 18 h, plus rien ne bouge. Les routes sont désertes. Chacun est chez soi. Dans la région d'Eindhoven où je réside, c'est nettement plus dynamique. Il faut dire que nous sommes bien centrés - à une heure de Bruxelles et d'Aix-la-Chapelle par la route, ainsi qu'à trois heures de Paris.
Vous imaginez-vous un jour dans un autre milieu que l'équitation?
Très mal. Bien sûr, on ne sait jamais de quoi l'avenir sera fait, mais dans ma tête et mon coeur, il n'y a que les chevaux.
portrait express
Age. Steve Guerdat aura 22 ans cette année. Il est né le 10 juin 1982.
Son père. Steve a de qui tenir, car son père Philippe a participé deux fois aux Jeux olympiques avec la Suisse.
Meilleur résultat. La plus belle performance de Steve à ce jour est la médaille de bronze par équipes aux Championnats d'Europe 2003, à Donaueschingen, en Allemagne. C'était en août 2003.
Progression. Le cavalier jurassien figure au 19e rang mondial d'un classement dominé par l'Allemand Ludger Berbaum.