Source: Magazine Rolex |
Petit retour en arrière sur les Jeux Olympiques d’Athènes.
Oui, surtout quand on revient d’où j’étais revenu depuis le tour du matin. Un podium olympique, c’est comme une victoire, peu importe la couleur du métal. On m’a reproché d’avoir laissé éclater ma joie alors que Royal Kaliber s’était accidenté, mais il faut savoir que d’où j’étais, je n’ai rien vu de ce qui s’était passé sur la piste, j’ai seulement vu mes camarades se précipiter vers moi pour me féliciter.
Steve Guerdat, quels souvenirs gardez-vous des Jeux Olympiques ?
Une participation aux Jeux reste le must pour un sportif. Pour moi, ce fut une grande expérience, qui a correspondu à mon attente. Cela peut paraître bizarre, mais j’en retire presque plus de points positifs que des Européens de Donaueschingen l’an dernier (ndlr : il avait été médaillé de bronze par équipe et 6e en individuel). A Athènes, seule une des trois manches auxquelles j’ai participé ne s’est pas bien passée, et j’ai été heureux d’avoir réussi une dernière manche sans faute, qui plus est avec un cheval jeune, un cheval d’avenir. Je crois que l’on peut affirmer que l’équipe helvétique a fait mieux que ce que tout le monde attendait. On a réussi quelque chose de bien.
On a dit que les exigences devenaient extrêmes,
Steve Guerdat : Les parcours étaient très gros, très difficiles, très longs, mais pas insurmontables. Le plus gros tour était la dernière manche de l’individuel. Mais les fautes commises ont été dues à des erreurs de monte, à des manques de contrôle des cavaliers – comme dans la ligne triple barre, triple saut -, et non pas à des difficultés excessives pour les chevaux. En fait, ce parcours était plus un problème pour le cavalier que pour le cheval. Et les chevaux bien mis, bien travaillés et bien montés l’ont fait sans forcer du tout, à l’image de Montender, Baloubet du Rouet ou Royal Kaliber. Je préférerais tout de même que le champion olympique ne soit pas celui qui réussit le seul sans faute, mais qu’il soit désigné à l’issue d’un barrage, comme dans un Grand Prix normal. On récompenserait alors vraiment le meilleur. Car le barrage fait partie de notre sport à 100 %, et l’art d’un grand cavalier se mesure à son aptitude à aller vite tout en restant précis. Aux JO, Carl Lewis court un 100 mètres comme dans toutes les autres courses de l’année, idem pour un nageur, à qui l’on ne rajoute pas des poids sous prétexte que l’on est aux Jeux, idem enfin pour tous les autres sportifs. Pourquoi, en saut d’obstacle, ne court-on pas sur un parcours normal, sans difficultés exagérées par rapport à ce que l’on fait toute l’année ? Pourquoi faut-il qu’aux Jeux, les oxers aient 180cm de large au lieu des 160 habituels ?
Et ces histoires de dopage ?
Steve Guerdat : C’est triste pour notre sport. On n’avait pas besoin de ça. Il y a des cas discutables, d’autres moins. Il y a indiscutablement des choses à changer ; les cavaliers doivent davantage prendre leurs responsabilités, la FEI doit aussi modifier certaines choses. Disons que c’est une alerte et qu’il appartient à chaque partie concernée de réagir en conséquence.
D’une manière générale, le sport devient-il de plus en plus difficile ?
Steve Guerdat : Si l’on parle avec d’anciens cavaliers ou si l’on regarde d’anciennes vidéos, on se rend compte que l’on sautait avant plus haut que maintenant, mais on sait qu’alors il n’y avait aucune restriction en matière de dopage… A cet égard, c’est une bonne chose d’avoir limité la hauteur des obstacles à 160cm. Ceci dit, il est vrai que le sport devient de plus en plus technique, avec du bon matériel, de bonnes infrastructures, de bons chefs de piste. Je dirai seulement qu’il faut faire attention à ne pas rendre les obstacles de plus en plus délicats, pour qu’une touchette ne soit pas systématiquement sanctionnée de 4 points. Car dans ce cas-là, on va inévitablement entraîner les chevaux différemment, d’une manière abusive et il faut bien sûr éviter d’en arrive là.
Le sport évolue, on l’a dit,
Steve Guerdat : Avant, dans une épreuve Coupe du Monde, seuls 10 cavaliers sur 40 étaient susceptibles de se battre pour la victoire. Maintenant, ils sont 30 à pouvoir y prétendre. Aujourd’hui, il n’y a plus de mauvais cavaliers.
Et les chevaux ?
Steve Guerdat : La qualité moyenne des chevaux s’est nettement améliorée. Par contre, on voit moins de stars, on n’a plus de Milton ou de Jappeloup par exemple. Il n’y a plus que Baloubet, qui est là dans tous les grands rendez-vous et championnats.
Monter à Genève, dans le fief de Rolex dont vous êtes le cavalier,
Rodrigo Pessoa : Chaque concours a son importance, en tant que représentant et porte-drapeau de cette société aussi. Mais il est clair que j’ai spécialement envie de bien faire ici, devant mes employeurs.
Qu’est-ce que cela vous inspire d’être le nouveau cavalier de Rolex ?
Steve Guerdat : C’est un honneur de pouvoir monter pour ces gens-là, d’être soutenu par une marque aussi prestigieuse.
Rodrigo, Steve Guerdat vous a rejoint sur l’affiche et chez Rolex ;
Non, si ce n’est qu’il a la même faim que moi à son âge.
Steve, vous avez rejoint Rodrigo sur l’affiche du CSI-W de Genève…
Ce fut une surprise, une heureuse surprise. Cela m’a fait très plaisir.
Rodrigo, si vous deviez définir Steve…
C’est un cavalier que j’aime beaucoup. On lui prédit un excellent avenir, et je suis d’accord. Des cavaliers de cette qualité et de cette trempe-là, on n’en rencontre pas souvent.
Steve, si vous deviez définir Rodrigo…
Le talent à l’état pur. En piste, il n’a pas d’égal. Je n’en ai pas parlé avec lui, mais je crois que c’est très peu pensé, que ça vient naturellement. Là où les Allemands réfléchissent, analysent, décortiquent, lui marche à l’instinct. C’est la perfection. Il a également la chance énorme de pouvoir bénéficier de professionnalisme et de l’organisation de son père. Le système Pessoa, ça fonctionne. Par ailleurs, on oublie trop souvent de le remercier pour tout ce qu’il fait pour notre sport. Par sa notoriété – il est connu dans le monde entier -, son image, il a énormément apporté à notre sport, contrairement à bon nombre de champions olympiques du monde qui, eux, n’ont rien apporté. Sans Rodrigo, notre sport serait encore 10 ans en arrière.
Rodrigo, Steve dit avoir gagné en autorité et en efficacité
Il était bâti, comme un javelot, grand, mince, comme moi. En gagnant en musculature, cela devient plus facile de monter. A partir du moment où l’on s’entraîne beaucoup, on a plus de force physique. Et plus on est fort, moins on utilise de force…
Steve, Rodrigo dit qu’à cheval, « il faut être le plus naturel possible,
C’est ce que chaque cavalier rêve de pouvoir faire… et je suis persuadé qu’il a raison. Mais si l’on n’est pas aussi talentueux que lui, on a besoin d’artifice pour y arriver.
Un parcours réussi, c’est quoi ?
Steve Guerdat (sans hésiter) : Un parcours gagné en ayant bien monté, en étant une demi seconde, un dixième de seconde même, plus rapide que Ludger (Beerbaum) ou Rodrigo ! Un parcours réussi ? Un parcours bien monté et sans faute.
Quels sont les principes de base dans le travail de vos chevaux ?
Steve Guerdat : Le dressage, on a besoin d’un grand dressage. Il faut que les freins et les gaz fonctionnent.
Le compliment qui vous fait le plus plaisir ?
Steve Guerdat : Que j’ai bien monté.
La critique qui vous fait le plus mal ?
Steve Guerdat : Que j’ai mal monté.
Le cheval avec lequel vous partiriez en vacances ?
Steve Guerdat : Tepic, le meilleur (ndlr : Tepic La Silla, son complice des Européens de Donauschingen l’an dernier, retourné chez son propriétaire mexicain, Alfonso Romo).
Si vous étiez pas cavalier, vous seriez…
Steve Guerdat : Rien !
Vos ambitions pour Genève ?
Steve Guerdat : Réussir une fois quelque chose dans le GP Coupe du Monde, faire un bon tour au barrage. Comme tous les dimanches, en somme !