Il n'y a aucun article dans votre panier.

Mon panier

Qté: 0
Total: 0
Steve Guerdat

Se jouer des obstacles

mardi 25 août 2009

Philippe Guerdat a abandonné une carrière de cavalier professionnel pour se consacrer à l’entraînement de son prodige de fils, Steve. Aujourd’hui, ils ne passent pas un jour sans se téléphoner des quatre coins du monde

Philippe Guerdat, l’expression bonhomme des copains de bistrot, et 10 centimètres plus haut: Steve, le visage plus sombre. Un père et un fils dont l’univers est peuplé d’oxers, de verticaux, de triples barres et de combinaisons. Gagnantes bien sûr. Cavalier de trempe internationale, Philippe a quitté les lumières de la piste pour mettre le pied à l’étrier à son fils cadet, surdoué du saut d’obstacles. Le sacrifice ne fut pas vain, Steve est à 27 ans numéro 8 dans la hiérarchie mondiale.

Leurs carrières sont étroitement liées et, pourtant, rassembler Steve et Philippe Guerdat tient de la gageure. Le cavalier et l’entraîneur ne se voient que lorsque le hasard de leurs calendriers respectifs les amène sur les mêmes pistes de concours. «On peut se voir cinq semaines de suite et, des fois, on ne se croise pas pendant deux mois, dit Steve. Mais on s’appelle tous les jours.» Avant un parcours, quand il essaie un cheval ou prépare son calendrier, le jeune cavalier aime prendre le pouls de l’opinion paternelle «pour avoir un avis fiable supplémentaire». Philippe Guerdat tient, lui, à se tenir au courant des résultats de son fils «à la minute près».
 
Ces Jurassiens-là ont l'oeil aussi farouche que ces chevaux qu'ils aiment tant

Ce jour-là, rassemblés dans l’écurie de Steve Guerdat à Herrliberg pour un entretien plusieurs fois repoussé, ils acceptent timidement d’évoquer leur relation. Un peu empruntés par l’exercice. Toujours disponibles et polis, ces Jurassiens-là ont l’œil aussi farouche que ces chevaux qu’ils aiment tant.

Propriétaire d’une écurie à Bassecourt, c’est tout naturellement que Philippe a hissé dès son plus jeune âge son fils sur le dos dodu des poneys de la maison. «Mais je n’ai jamais sauté à poney», précise Steve.

– Si, si. J’ai des photos de toi à la maison où tu sautes à poney.
– Ah! bon… Mais je n’ai jamais fait de concours en tout cas.
– De concours, non.
 
Passé en quelques années des cavalcades dans le jardin familial à la licence, Steve montre très vite un talent hors du commun pour l’équitation. «Il y a beaucoup de jeunes qui sont doués au départ. Mais c’est vrai qu’il était en avance sur les autres. Ça se voyait.» A 13 ans, le jeune cavalier fait déjà partie de l’équipe suisse juniors à l’âge où les enfants commencent leurs premiers concours à poney. Mais surtout, il ne rêve plus que de marcher sur les traces de son champion de papa.

Pour entraîner au mieux le jeune poulain, Philippe prend alors la décision de mettre fin à sa carrière sportive. «Il fallait quelqu’un pour l’encadrer, or j’étais toujours en concours et j’avais quand même une écurie à gérer. Mais je ne regrette rien, j’ai pu donner toutes ses chances à mon fils et je n’aurais pas voulu monter un jour de plus.»

Souvent absent, Philippe était à la maison un père plutôt indulgent qui profitait de chaque minute passée avec ses fils. Mais, pour l’équitation, il se révèle un instructeur impitoyable. «La jeunesse sportive de Steve a été assez pénible parce que je tenais à lui montrer tous les mauvais côtés de ce métier. Il a dû faire des stages, nettoyer les écuries, ce que ne font normalement pas des jeunes de cet âge-là. Il fallait être sûr qu’il veuille devenir cavalier parce qu’il était doué à l’école et que sa mère voulait absolument qu’il fasse des études.»

Une époque difficile pour Steve, qui doit en plus supporter la jalousie de ses camarades de classe. Avoir un père célèbre peut se révéler encombrant. «Certains disaient que j’étais un fils à papa et que c’est pour ça que j’y arrivais. Quand on est petit, ce sont des choses qui nous touchent.» Assis côte à côte sur un banc, ils se livrent comme d’habitude, avec honnêteté et sans émotion apparente.
 
"Comme je le dis toujours, ce sont les bons cavaliers qui font les bons entraîneurs"

Philippe Guerdat entraînera Steve jusqu’à ses 20 ans et son départ aux Pays-Bas. Quand on l’interroge sur les moments les plus importants de sa vie, il réfléchit, cite les dates de naissance de ses enfants, puis enlève sa montre et consulte le boîtier. «Le 9 mai 1999», c’est le jour de la première victoire de Steve en Grand Prix. Il a gagné cette montre et me l’a donnée.»

Cette adolescence passée sous l’autorité de son entraîneur de père n’a pas affecté la tendresse de Steve pour son père. «Il y a des problèmes quand les parents n’y connaissent rien ou quand ce sont des gamins gâtés qui font ça comme hobby, mais du moment qu’on veut devenir pro, la relation devient plus professionnelle qu’amicale ou familiale.»

Une relation professionnelle qui n’a jamais permis à Philippe de voir sereinement son fils évoluer en concours. Entraîneur de métier et habitué à vibrer pour ses poulains, il n’apprécie pourtant de voir Steve qu’en différé, sur DVD. «Quand il est en piste, je ne suis vraiment pas quelqu’un de bien. J’ai le cœur qui frappe tellement fort que je n’arrive pas à me maîtriser, alors que j’y parviens dans pratiquement toutes les situations.» Il arrive même fréquemment à Philippe de venir voir une épreuve mais de partir quand c’est au tour de Steve de s’élancer. La peur d’un mauvais résultat est trop forte. «Je sais bien qu’avec les chevaux il y a toujours des hauts et des bas. Mais Steve a un caractère tellement dur de ce côté-là… Il n’aime pas perdre.»

Des exploits paternels en concours, en revanche, Steve ne garde que peu de souvenirs. Celui d’avoir été réveillé en pleine nuit par sa maman pour les suivre aux Jeux olympiques. «J’étais impressionné de le voir monter, mais je ne connaissais pas encore assez le sport pour vraiment me rendre compte de la valeur de ce que je voyais», regrette-t-il. Il a 13 ans lors de la retraite sportive de son père et ne réalise pas que son talent est à l’origine de cette décision.

Publicité
Même depuis que Steve a quitté le giron familial, Philippe n’a jamais abandonné son rôle d’entraîneur et de conseiller. Quand il s’est retrouvé en difficulté après avoir quitté les écuries de Jan Tops, il a sollicité un de ses vieux amis, Yves Piaget, devenu depuis le nouveau propriétaire des chevaux de son fils. Et quand, après une longue année de passage à vide, Steve remporte le Grand Prix du CSI de Genève en 2006 devant un public hurlant de joie et pleurant d’émotion, c’est les larmes aux yeux qu’il dédie cette nouvelle victoire à son père. «Je ne l’ai peut-être pas assez écouté dans ma voie en solitaire. Mais c’est à lui et à d’autres que je dois toute l’émotion que je vis aujourd’hui.»

Bien qu’il suive avec émotion l’évolution de son fils, Philippe refuse d’en tirer la moindre gloire. «Je ne me suis jamais profilé au travers de ses résultats. C’est sa vie, sa carrière. Et comme je le dis toujours, ce sont les bons cavaliers qui font les bons entraîneurs.»

Pudiques, le père et le fils affichent discrètement leur complicité. «Mon père a un grand cœur, confie Steve. Il est très loyal, très correct. C’est certainement grâce à tous ses efforts que j’ai pu mener une carrière plus facile que la sienne.» Se ressemblent-ils? «Oui, assez, répond Philippe. J’étais aussi un peu introverti dans ma jeunesse. Peut-être que j’ai évolué un peu différemment parce que j’ai gagné moins que lui étant jeune.»

Et à cheval? «J’espère que non», s’amuse-t-il. «C’est difficile à dire, car l’équitation a beaucoup évolué, nuance Steve, dont le style impeccable a toujours suscité l’admiration des esthètes. Par exemple, un cavalier comme Ludger Beerbaum monte complètement différemment qu’il y a quinze ans.»

Le moment de se quitter approche. Au loin, on entend les grooms charger les chevaux dans le camion. Steve monte une série de M2 dans la région l’après-midi même. Quant à Philippe, il doit s’occuper de ses clients venus essayer des chevaux. Le travail attend ces deux stakhanovistes dont le mérite ne se mesure qu’à l’implication consentie.

Une dernière question: Steve pense-t-il devenir lui-même père un jour? Trop jeune et trop concentré sur sa carrière, le cavalier de 27 ans ne songe pas encore à prendre femme et enfants. Il sait pourtant déjà à quoi devra ressembler un jour sa famille. «Le jour où j’en aurai une, je voudrai la même que celle que j’avais en étant enfant.»
 
Le Pére
21 avril 1952 Naissance
31 mars 1981 Naissance de son fils aîné Yannick, aujourd’hui créateur de services web.
7 août 1984 Les premiers JO de Philippe Guerdat à Los Angeles. Il finit cinquième par équipes. Il participera encore aux JO de Séoul en 1988 et sera septième par équipes.
1985 Médaille d’argent par équipes aux championnats d’Europe de Dinard en France.
1987 Médaille de bronze par équipes aux championnats d’Europe de Saint-Gall.
Mai 2005 Philippe Guerdat vend son écurie de Bassecourt (JU).
2006 Après avoir entraîné l’équipe d’Espagne, il prend en charge l’équipe ukrainienne. Les cavaliers prendront une quatrième place aux jeux équestres mondiaux, avant qu’il ne les quitte à l’été 2008 . J. C.
 
Le fils
10 juin 1982 Naissance.
1995 Son père Philippe met un terme à sa carrière pour l’entraîner après vingt ans dans l’équipe nationale. «Certainement un des plus grands caps pour la suite de ma carrière.»
24 septembre 2002 Départ aux Pays-Bas en tant que premier cavalier de l’écurie Jan Tops.
2003 Troisième place par équipes aux Championnats d’Europe à Donaueschingen, en Allemagne.
2004 Première participation à des JO, à Athènes. Il finit, comme son père, cinquième par équipes.
Février 2006 Steve quitte les écuries Jan Tops et rentre en Suisse.
25 juin 2006 Rencontre avec son propriétaire actuel, Yves Piaget.
2007 Troisième lors de la finale de la Coupe du monde à Las Vegas.
9 mai 1999 Première victoire de Steve en Grand Prix. J. C.
Source: Le Temps 25.08.2009
Texte: Julie Conti

Mécénat

Hofgut Albführen
CHC Horses

Sponsors

Rolex
Land Rover
Hermes
Horseware

Partenaires

Veredus
Artionet Web Agency
TRM
Parlanti Roma
Hypona
Swiza
International Jumping Riders Club
Ce site utilise des cookies à des fins de statistiques, d’optimisation et de marketing ciblé. En poursuivant votre visite sur cette page, vous acceptez l’utilisation des cookies aux fins énoncées ci-dessus.
En savoir plus